Publié le 12/06/2015
L’immunothérapie consiste à "booster" le système immunitaire — les lymphocytes T — pour que ceux-ci s’attaquent encore plus efficacement aux cellules tumorales. Testée initialement dans le cancer de la peau à un stade évolué, l’immunothérapie a récemment confirmé son intérêt dans ces cancers graves de la peau (mélanomes), avec une étude internationale d’envergure à laquelle la France a participé.
Normalement, les cellules cancéreuses sont détruites par les cellules de notre système immunitaire. Mais certaines cellules tumorales rusent et parviennent à se camoufler en sécrétant à leur surface des protéines, par exemple PD-1 et CTLA-4. Cette présence les rend alors invisibles par les lymphocytes normalement chargés de les détruire. Résultat : le cancer peut se développer. L’immunothérapie consiste à inhiber l’action de ces protéines. Ici, le pembrolizumab agit sur le récepteur PD1, l'ipilimumab sur le récepteur CTLA-4. Dans les deux cas, les cellules cancéreuses redeviennent alors visibles pour le système immunitaire qui peut de ce fait mieux les détruire
Preuve est désormais faite que l’on peut combattre ce redoutable cancer de la peau à un stade avancé en boostant le système immunitaire grâce à un anticorps monoclonal.
C’est incontestablement une bonne nouvelle pour les malades atteints de mélanome à un stade avancé, une maladie dont le pronostic est sombre quand elle est découverte au stade métastatique : dans ce cas, un patient sur cinq seulement peut espérer être encore en vie cinq ans après le diagnostic. Récemment publié dans la revue New England Journal of Medicine, une étude démontre pour la première fois la supériorité d’un anticorps monoclonal sur un autre. Avantage donc au Keytruda (pembrolizumab, laboratoire Merck), comparé au Yervoy (ipilimumab, laboratoire BMS) qui constitue aujourd’hui le traitement de référence. Ces deux molécules agissent par des voies différentes en boostant le système immunitaire pour le mobiliser plus efficacement contre les cellules cancéreuses. C’est le principe dit de l’immunothérapie, une approche qui s’impose depuis plusieurs années en cancérologie.
Pour le Dr Caroline Robert, dermato-oncologue à l’institut Gustave-Roussy (Villejuif), "cette étude va changer la prise en charge de ce type de cancer car nous avons aujourd’hui la preuve que cette approche peut vraiment aider les patients avec un médicament plus efficace et moins toxique". Nul doute que cette avancée, présentée en séance plénière du congrès de l’American Association for Cancer Research qui vient de se dérouler à Philadelphie (États-Unis), va accélérer l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché européen du Keytruda. Disponible uniquement aux États Unis depuis l’automne dernier, la molécule n’est en effet utilisée Europe que dans le cadre de protocoles particuliers, dits autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte. Et ne peut donc concerner qu’un groupe ou sous-groupe de patients, traités et surveillés suivant des critères précisément définis dans un protocole.
Reste à savoir comment ces molécules essentielles dans le traitement des formes avancées du mélanome se positionneront dans les recommandations officielles (en première intention ou en second choix). D’autant que les laboratoires ont déjà en préparation des protocoles associant plusieurs anticorps monoclonaux.
Mais la peau n’est pas le seul organe à bénéficier de la force de frappe de cette stratégie. Des essais sont en cours sur d’autres localisations (vessie, ORL, colon, foie). Testées séparément dans un premier temps, les molécules sont d’ores et déjà associées entre elles. “More is better” (“plus est mieux”), aiment ainsi dire les Américains. De plus, ces traitements sont aussi administrés de plus en plus tôt.
EFFET DURABLE. Quand les premiers essais ont démarré voici deux à trois ans, les oncologues les réservaient aux patients présentant des cancers à des stades évolués, en dernier recours, en quasi-situation d’impasse. Aujourd’hui, ceux-ci sont prescrits à des stades bien moins évolués de la maladie. Enfin, le recul encore modéré de la pratique fait apparaître un effet qui semble durable : en effet, le système immunitaire une fois stimulé paraît “rééduqué” sur le long terme, sans qu’il soit nécessaire de maintenir les traitements au long cours.
Attention tout de même aux faux espoirs. L’immunothérapie ne fonctionne en moyenne que chez environ 30 % des patients et ces traitements ne sont pas dénués d’effets secondaires qui vont des simples nausées à des dysfonctionnements plus sévères de la thyroïde et du foie.
Envoyée spéciale de Sciences et Avenir à Chicago, Sylvie Riou-Milliot